Focus sur le droit de suite
et les photographies
Les œuvres concernées par le droit de suite
Applicable aux seules œuvres originales graphiques et plastiques, le droit de suite ne vise que les œuvres « incarnées » dans un support matériel. S’agissant des photographies, le droit de suite ne s’applique qu’à un tirage original et aux exemplaires exécutés en quantité limitée par l’artiste lui-même ou sous sa responsabilité.
L’article R.122-2 du CPI précise que les œuvres exécutées en nombre limité d’exemplaires et sous la responsabilité de l’auteur sont considérées comme œuvres d’art originales au sens du droit de suite si elles sont numérotées ou signées ou dûment autorisées d’une autre manière par l’auteur. Sont ainsi visées les œuvres photographiques signées, dans la limite de trente exemplaires, quels qu’en soient le format et le support.
Le support peut être papier ou numérique, notamment via un jeton non fongible (NFT).
Les bénéficiaires du droit de suite
Ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou de l’EEE
Bénéficient du droit de suite, les auteurs et leurs héritiers ressortissants d’un Etat membre de la Communauté européenne (en savoir plus) ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen (en savoir plus).
L’article L.123-7 du CPI précise qu’après le décès de l’auteur, le droit de suite subsiste au profit de ses héritiers et, pour l’usufruit prévu à l’article L. 123-6 du même code, de son conjoint, pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années suivantes.
Sous réserve des droits des descendants et du conjoint survivant non divorcé, l’auteur peut transmettre le droit de suite par legs.
En l’absence d’héritier et de legs du droit de suite, ce dernier revient au légataire universel ou, à défaut, au détenteur du droit moral.
En l’absence d’ayant droit connu, ou en cas de vacance ou de déshérence, le tribunal judiciaire peut confier le bénéfice du droit de suite à un organisme de gestion collective.
Non-ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou de l’EEE
Les auteurs et leurs héritiers non ressortissants d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen et leurs ayants droit sont admis au bénéfice de la protection prévue au présent article si la législation de l’Etat dont ils sont ressortissants admet la protection du droit de suite des auteurs des Etats membres et de leurs ayants droit. L’article R.122-4 ajoute que la protection accordée l’est pour la durée pendant laquelle ces auteurs et ayants droit sont admis à exercer ce droit dans leur pays.
L’article R.122-4 du CPI ajoute que les auteurs non ressortissants des Etats mentionnés ci-dessus qui, au cours de leur carrière artistique, ont participé à la vie de l’art français et ont eu, pendant au moins cinq années, même non consécutives, leur résidence en France, peuvent, sans condition de réciprocité, être admis à bénéficier du droit de suite. Leurs ayants droit jouissent de la même faculté. Les auteurs intéressés ou leurs ayants droit doivent présenter une demande au ministre chargé de la culture qui statue après avis d’une commission.
Les ventes concernées par le droit de suite
Le droit de suite ne s’applique pas à toutes les ventes de l’œuvre.
Il ne s’applique qu’aux ventes – à l’exclusion de la première cession opérée par l’auteur ou par ses ayants droits – dans le cadre desquelles intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l’art. Toutes les ventes, lesquelles supposent un prix, sont concernées, quelle qu’en soit la forme (gré à gré, adjudication …) (art. R122-2).
Le vendeur, l’acheteur ou l’intermédiaire doive intervenir dans la vente dans le cadre de leur activité professionnelle, l’une au mois des conditions suivantes devant être en outre remplie :
1° La vente est effectuée sur le territoire français ;
2° La vente y est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée.
Le droit de suite ne s’applique pas lorsque le vendeur a acquis l’œuvre directement de l’auteur moins de trois ans avant cette vente et que le prix de vente ne dépasse pas 10 000 euros.
Calcul du montant du droit de suite
Les professionnels du marché de l’art doivent délivrer à l’auteur ou à un organisme de gestion collective du droit de suite toute information nécessaire à la liquidation des sommes dues au titre du droit de suite pendant une période de trois ans à compter de la vente.
Assiette
Le prix de vente de chaque œuvre pris en considération pour la perception du droit de suite est, hors taxes, le prix d’adjudication en cas de vente aux enchères publiques et, pour les autres ventes, le prix de cession perçu par le vendeur (R.122-5 CPI).
Le droit de suite n’est pas exigible si le prix de vente de l’œuvre est inférieur à 750 euros (R.122-5 CPI).
Taux
Le taux du droit de suite est égal à 4 % du prix de vente lorsque celui-ci est inférieur ou égal à 50 000 euros (R.122-6 CPI).
Lorsque le prix de vente est supérieur à 50 000 euros, le droit de suite est fixé comme suit (R.122-6 CPI) :
- 4 % pour la première tranche de 50 000 euros du prix de vente ;
- 3 % pour la tranche du prix de vente comprise entre 50 000,01 et 200 000 euros ;
- 1 % pour la tranche du prix de vente comprise entre 200 000,01 et 350 000 euros ;
- 0,5 % pour la tranche du prix de vente comprise entre 350 000,01 et 500 000 euros ;
- 0,25 % pour la tranche du prix de vente dépassant 500 000 euros.
Plafonnement
Le montant total du droit exigible lors de la vente d’une œuvre ne peut excéder 12 500 euros.
Le responsable du paiement du droit de suite
Responsabilité du professionnel
Le droit de suite est à la charge du vendeur. La responsabilité de son paiement incombe au professionnel intervenant dans la vente et, si la cession s’opère entre deux professionnels, au vendeur.
Le professionnel du marché de l’art responsable du paiement du droit de suite est, selon le cas, la société de ventes volontaires ou le commissaire-priseur judiciaire (R.122-9 CPI). Dans les autres cas, le professionnel du marché de l’art intervenant dans la vente est responsable du paiement du droit de suite. Si la vente fait intervenir plusieurs professionnels, le professionnel responsable du paiement du droit de suite est :
1° Le vendeur, s’il agit dans le cadre de son activité professionnelle ;
2° A défaut, le professionnel du marché de l’art qui reçoit, en tant qu’intermédiaire, le paiement de l’acheteur ;
3° A défaut, l’acheteur, s’il agit dans le cadre de son activité professionnelle.
Lorsqu’il est saisi d’une demande du bénéficiaire, le professionnel responsable du paiement du droit de suite lui verse le montant de celui-ci dans un délai qui ne peut excéder quatre mois à compter de la date de réception de la demande ou, si cette demande est reçue antérieurement à la vente, à compter de la date de cette vente (R.122-10 CPI).
Si l’œuvre est due à la collaboration de plusieurs auteurs, le bénéficiaire en fait la déclaration et précise la répartition du droit de suite décidée entre les auteurs (R.122-10 CPI).
Intervention d’une société de gestion collective
Toute personne susceptible de bénéficier du droit de suite qui souhaite obtenir des organismes inscrits sur la liste des organismes de gestion collective agréés par le ministre de la culture, la transmission d’un avis de vente la concernant, dont ces organismes sont destinataires en application de l’article R. 122-10 du CPI, peut communiquer son adresse et toutes autres informations utiles à ces sociétés. Cette communication doit être renouvelée lors de tout changement d’adresse ou de situation (R.122-8 CPI).
S’il n’est saisi d’aucune demande de règlement de la part de l’auteur ou d’un ayant droit, le professionnel responsable du paiement du droit de suite avise par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au plus tard trois mois après la fin du trimestre civil au cours duquel la vente a eu lieu, l’un des organismes de gestion collective mentionnés à l’article R. 122-8 de la réalisation de la vente en lui indiquant la date de la vente, le nom de l’auteur de l’œuvre et, le cas échéant, les informations relatives au bénéficiaire du droit de suite dont il dispose (R.122-10 CPI, II).
Lorsqu’un organisme de gestion collective est avisé d’une vente ouvrant droit à la perception du droit de suite au profit d’un bénéficiaire mentionné à l’article R. 122-8 du CPI, il est tenu de l’en informer. Lorsque le bénéficiaire n’est pas identifié, l’organisme de gestion collective procède aux diligences utiles pour informer les personnes susceptibles de bénéficier du droit de suite, au besoin en faisant appel aux autres organismes de gestion collective mentionnés à l’article R. 122-8. A défaut d’avoir pu informer le bénéficiaire, il procède aux mesures de publicité appropriées sous forme électronique ou par tout autre moyen adapté.
Réclamation
Pour la liquidation des sommes qui lui sont dues au titre du droit de suite, et pendant un délai de trois ans suivant la vente ouvrant droit à la perception de ce droit, le bénéficiaire peut, en précisant le titre, la description sommaire et le nom de l’auteur de l’œuvre concernée, obtenir des personnes qui sont intervenues dans cette vente dans le cadre de leur activité professionnelle (R.122-11 CPI) :
a) Le nom et l’adresse du professionnel responsable du paiement du droit de suite ;
b) La date de la vente de l’œuvre et son prix.
Le bénéficiaire peut, dans les conditions et pendant le délai de trois ans visé ci-dessus, obtenir du professionnel responsable du paiement du droit de suite :
a) La copie des pièces établissant que le droit de suite a été versé à son bénéficiaire, ainsi que, s’il y a lieu, la copie de la demande du bénéficiaire et de la déclaration d’œuvre de collaboration ;
b) A défaut de ces documents, la copie des pièces justifiant que le professionnel responsable du paiement du droit de suite a exécuté les obligations qui lui incombaient à l’égard d’un organisme de gestion collective agréé.
Le professionnel responsable du paiement du droit de suite doit conserver pendant le délai de trois ans suivant la vente le nom et l’adresse du vendeur.